Stomp (court métrage)


Stomp est un film expérimental "direct" réalisé en 1979 par l'artiste Paul Poutre à même la pellicule.

Descriptif

Fin mars 1979, le monde du cinéma et de l'art ouest-américain reçoit de mystérieuses invitations, totalement noires, pour un vernissage à la galerie Wave Out de Los Angeles, prévu le 21 avril à 19h30. Le carton indique juste "Be there. Wear shoes." La galerie, réputée pour organiser de somptueuses réceptions, fait monter pendant plusieurs semaines le buzz médiatique, avec notamment une pleine page de publicité dans le nouveau Flash Art International et dans le Playboy du même mois.

A leur arrivée les convives (parmi lesquels de nombreux artistes comme David Hockney, l'actrice Lynda Carter accompagnée par son père marchand d'art, ou encore le musicien Michael Sembello) ne trouvent aucune oeuvre aux murs, rien qu'un généreux buffet multicolore. Le sol en revanche est entièrement recouvert par une bobine de film 35mm vierge, déroulée dans son intégralité [1] et qui tapisse le plancher. Au cours de la soirée, alors que les visiteurs défilent et profitent de l'open bar très alcoolisé, leurs pas impriment la pellicule, de même que les éclaboussures de boissons ou objets qui chutent. Cinq heures après l'ouverture de l'espace, alors que l'alcool et les chaussures ont fait des ravages sur la bande de film, Paul Poutre récupère la bobine et la projette à l'assistance grâce à un projecteur 35mm jusque là dissimulé dans une colonne. C'est le public qui a "fait" le film en imprimant des marques dessus.

Réception critique

Stomp, qui dure 19 minutes, devient vite l'un des classiques du film abstrait "direct", mariant l'esprit de Warhol et l'approche plastique de Stan Brakhage. On peut notamment citer le critique Michael Blowtown, qui a écrit à son sujet : "D'une délicieuse ambiguïté, Stomp est à la fois une oeuvre collective et un commentaire sur la fashion crowd artistique, dont Andy Warhol pourrait être fier. Oeuvre d'abord - littéralement - piétinée par la critique avant d'être applaudie par elle, ce film très new-yorkais dans l'esprit est constitué à la fois de rien, du claquement éphémère d'un talon haut sur un sol froid, et de tout ce qui anime la sphère artistico-culturelle. Alors que cette décennie de folie touche à sa fin, faut-il y voir un présage de l'anéantissement du monde de l'art tel que nous le connaissons ?" [2].

Le film a également inspiré le tube du même nom interprété par le groupe Brothers Johnson et produit par Quincy Jones l'année suivante. Les paroles du single Stomp ("Slap me five / that's the place we've arrived / It's alive / Ev'rybody take it to the top / We're gonna stomp / All night...The set is hot / There's people wall to wall / Old gones young things / Short ones standing tall / Grab the one with the smile on her face / And hit the floor and stay right on the case... STOMP, step down in it / Put your foot where you feel the fit / Stomp you don't want to quit / Put your heels where you're feelin' it...) font ouvertement référence au vernissage-performance à la galerie Wave Out. Voir ce lien vers la vidéo du titre avec les paroles incrustées.

La copie 35mm originale de Stomp est aujourd'hui conservée au American Film Institute de Los Angeles.

Muet à l'origine, le film a plusieurs fois été mis en musique et proposé en ciné-concert. On citera entre autres les partitions de Rhys Chatham, William Sheller, Photek, Pascal Obispo.

Notes et références

1. Une bobine 35mm fait à peu près 600 mètres de longueur pour une durée de 20 minutes de film.
2. Trampled Underfoot : Breaking Barriers and Raising Walls Between Critic and Artist - Michael Blowtown, ArtWank, juin 1979.