KangooAnim
L'ensemble des vignettes alluciné est rassemblé ici.

Avec INSIDIOUS, j’ai posté sur allucine.fr ma dernière fiche sur « Hallucinations Collectives 2011 » (ex « Etrange Festival de Lyon ») que j’ai suivi en quasi-intégralité du 20 au 26 avril. Avec 27 films vus en 7 jours, impossible d’en traiter la riche programmation en détail (pas le temps de refaire un journal exhaustif comme pour Paris 2009), alors voici pour compléter mes vignettes un bilan plus global de la manifestation. Certains titres de films renvoient à leur entrée alluciné.

Je redis pour commencer à quel point les équipes à la fois de Zonebis et du cinéma Comoedia, qui accueille l’événement, sont charmantes. Le bon esprit et la chaleur de l’accueil sont palpables, et l’équipe de bénévoles qui fait tourner tout ça est impressionnante. L’offre au niveau films étant également spectaculaire, je voulais revenir en détail sur cette semaine, qui aura aussi posé quelques questions pour la suite.

Nouveau nom, nouveau départ
Au niveau du public, la fréquentation a démarré plus doucement que l’an passé, provoquant quelques frayeurs parmi les organisateurs. La faute peut-être à l’absence d’un événement aussi attendu qu’un nouveau Gaspar Noé ou d’invités aussi en phase avec le public que Gustave Kervern, qui était venu en 2010 présenter MAMMUTH. Heureusement la programmation était riche et la salle s’est bien remplie au fil des jours, mais il est certain par exemple que LES NUITS ROUGES DU BOURREAU DE JADE, en ouverture, ne pouvait prétendre autant stimuler les spectateurs potentiels que ENTER THE VOID.

Impossible aussi par rapport à la fréquentation de ne pas se questionner sur l’impact du changement de nom du festival. Organisé par l’association ZoneBis, il bénéficiait jusqu’à l’an dernier du label « Etrange Festival » et a pris le risque d’affirmer en 2011 son autonomie. C’était donc une première, avec un nom à faire adopter, et on peut espérer que ce point – s’il a joué – perdra de son importance au fil des éditions.

Voir des films en salle
Tout cela étant dit, passons au cœur de l’événement c’est à dire les films. De ce côté rien à redire, l’offre était riche et variée. Avec peut-être un accent un peu plus mis sur les films « de genre » que l’an passé, avec une thématique « serials killers », une « Troma Films » et une autre « la bombe dans tous ses états ». Des thèmes pas hyper surprenants, mais qui auront permis de (re)voir de bons films, souvent rares, dans de bonnes conditions.

Car (si vous me permettez une digression) la question qu’on peut se poser en 2011, alors que tant de titres longtemps introuvables sont maintenant disponibles en dvd, parfois en Blu-Ray, souvent en téléchargement, c’est  : qu’est-ce qui nous pousse à nous déplacer pour aller les voir en salle ?
Telecharge
(Dialogue entendu avant la projection de Panic sur Florida Beach)

Il y a certes le rapport esthétique, quasi fétichiste, au support 35mm. Mais celui-ci étant amené à progressivement disparaître, évolution déjà notable chez les distributeurs, ce rapport prend chaque année un parfum de plus en plus nostalgique. La vidéo HD avait d’ailleurs gagné du terrain dans les projections depuis l’an dernier, et cela ne va que s’accroître. On peut donc se demander si cette question du support va conserver son importance. Reste alors, outre le plaisir de l’immersion que procure la salle obscure, la spécificité du partage et l’expérience collective. J’y reviens plus loin.

Palmarès subjectif
Un film traitait avec nostalgie, humour et sensibilité de ces questions : PANIC SUR FLORIDA BEACH de Joe Dante. Plus qu’un film sur la psychose de la guerre nucléaire, c’est surtout une œuvre jubilatoire sur l’expérience du cinéma, à la fois côté producteur, exploitant et spectateur. Je n’avais jamais entendu parler de ce film mais c’est sans hésitation la séance qui m’a le plus marqué de ce festival, faisant monter en moi des bouffées de joie et de nostalgie mêlées. Un vrai bijou, que l’éditeur Carlotta s’apprête à ressortir en DVD et Blu-Ray. Vu la teneur du film et sa dimension grand public il est scandaleux qu’il ne ressorte pas en salle - il est fait pour être partagé - mais le Blu-Ray (projeté à Lyon) est superbe, donc un achat indispensable.

L’humour et l’amour des films bis qui y est célébré se retrouvait dans TUCKER & DALE VS EVIL, remarquablement écrit, qui était - avec BALADA TRISTE DE TROMPETA (prix du jury justifié) - une des meilleures avant-premières de cette année. Une des séances qui a le plus emballé la salle, qui riait de bon cœur.

Le reste des films inédits présentés avant leur sortie ou non-sortie en salles alternait entre le très bon (BEDEVILLED déjà vu à l’Etrange de Paris, SYMBOL), le bon (HEARTLESS, J’AI RENCONTRE LE DIABLE) et le moins bon (THE LOVED ONES, dont le côté grand guignol gâche pour moi l’excellente mise en place). Puis, en toute subjectivité le pas bon du tout : le lourdingue INSIDIOUS, le pisseux SCHRAMM (film de serial killer allemand avec quelques plans impressionnants mais pour moi laid et creux, d’autres ont apprécié) ou le français LAST CARESS, qui malgré toute la sympathie que j’ai pour les intentions des réalisateurs et les tentatives « de genre » en France, m’a laissé encore plus sur ma faim que BLACKARIA, leur film précédent. Malgré quelques idées côté réalisation, l’esthétique et le jeu d’acteur y évoquent plus Marc Dorcel ou DAVID Hamilton que Dario Argento, seule la très bonne musique m’ayant procuré une stimulation positive. Dommage. (mais merci à F. Gaillard d'avoir signalé que j'avais initialement inventé un FRANCIS Hamilton (?) au lieu de David)
Last Caress
(croquis pendant la projection de Last Caress)

J’ai été bien plus convaincu, dans la case « nouvelles visions », par CALIBRE 9 de Jean-Christian Tassy. Un film énervé, mais qui derrière son montage épileptique et son aspect caricatural possède une sensibilité intéressante et  révèle sans doute un réalisateur à suivre.  

Mais ce qui donne l’identité d’un festival, là où les programmateurs peuvent pleinement s’exprimer, hors des contraintes de l’actualité, c’est leur sélection de films cultes ou obscurs. Une approche « viens chez moi, je te montrerai mes films cultes », avec des œuvres dans tous les styles, qui a toujours fait le charme de l’Etrange Festival et qui nous offrait l’an dernier les rétrospectives Paul Bartel ou Panique.

L’occasion de découvrir d’autres films qui m’avaient échappé (le superbe PIQUE-NIQUE A HANGING ROCK, le très bon SIMETIERRE, le rigolo HOWARD) ou dont je n’avais jamais entendu parler (PARENTS, LONG WEEK-END, HARLEQUIN, LE TUEUR DE BOSTON), avec en prime quelques classiques toujours bons à revoir en salle (MANIAC, ELLE S’APPELAIT SCORPION, PERDITA DURANGO). De ce point de vue satisfaction totale, je suis reparti de Lyon repu, plus cultivé, et avec plein d’images en tête ; avec juste le regret d’avoir raté la soirée « film d’amour non simulé » avec Richard Allan.
Maniac + Tueur de Boston
(croquis pendant Maniac et Le Tueur de Boston)

Traques + Howard + Perdita Durango
(croquis pendant Les Traques de l'an 2000, Howard et Perdita Durango)

Hallucinations de préférence collectives
Manquait juste, peut-être, un moment festif comme la soirée Nanarland de 2010, pour créer une émulation collective. La réjouissante thématique Troma (belle triplette avec ATOMIC COLLEGE, POULTRYGEIST, TOXIC AVENGER) et certains chouettes films bis (LES TRAQUES DE L’AN 2000, 2019 APRES LA CHUTE DE NEW YORK) furent bien accueillis, mais j’aurais aimé une occasion plus marquée de « communier » avec les bien sympathiques spectateurs du festival, cinéphiles professionnels ou amateurs.
La carte blanche à Mad Movies (deux excellents films + une belle sélection de bandes annonces cultes + des anecdotes du rédac-chef Fausto Fasulo) faisait plaisir mais ne parvenait pas totalement à faire décoller la salle de ce point de vue. Or la dimension collective de l’expérience cinématographique étant revendiquée dans le nom même du festival, et sans vouloir en faire une foire, j’espère que cette composante sera plus présente l’an prochain. Des gens formidables viennent au Comoedia à cette occasion, il faut en profiter.
Fausto
(Fausto Fasulo, rédac-chef de Mad Movies)

Et pour l’avenir justement, il sera intéressant d’observer si la programmation du festival continue en 2012 à se recentrer sur les œuvres de genre. Il y avait peu de films cette année qui soient totalement « hors cases », un seul documentaire (ADVOCATE FOR FAGDOM, consacré au réalisateur gay Bruce LaBruce, une bonne introduction à son travail mais un peu superficielle) et pas de film d’animation. On espère que ce n’est pas un choix revendiqué, car le festival y perdrait de son originalité.


Courts
Pour trouver du cinéma d’animation il fallait se tourner vers la sélection de courts métrages, avec le nouveau chef d’œuvre de l’irlandais David O’Reilly, THE EXTERNAL WORLD. Un formidable déluge d’innovations visuelles et d’idées noires servies avec un humour grinçant très british. Dans un graphisme 3D primitif s’y croisent des personnages et animaux cartoon mais dépressifs ou violents, avec des compositions isométriques et des contrastes entre comique et cruauté qui rappellent le travail de Chris Ware en BD. Court ou long, anim ou pas, ce type est pour moi l’un des auteurs/réalisateurs les plus excitants de ces dernières années, et son film a très logiquement remporté le prix du jury. Son site : www.davidoreilly.com
RomainLV
(Romain Le Vern, journaliste membre du jury)

Toujours côté courts, en plus d’un autre film 3D avec d’étonnantes créatures organiques (MRDRCHAIN de Ondrej Svadlena) on trouvait notamment un efficace film burlesque basé sur des décalages sonores (OTOLOGIE de Marc Ory) et le percutant KANGOOTOMIK de Frédéric Grousset, dont une version courte servait de trailer au festival. Ce film aux grandes qualités visuelles et au très bon montage son m’a d’ailleurs amené à m’interroger , pour finir, sur la communication visuelle du festival. On s'éloigne certes des films, mais cela me semble intéressant.

Communication(s) visuelle(s)
En effet, les affiches des éditions passées, à base de photos retouchées très « cabinet de curiosités », avaient connu un grand succès. Elles ont fait place à une image réalisée avec un soft 3D, réaliste et assez froide, qui manquait cruellement de charme et d’impact (trop de petits détails, manque de contraste).  Pourquoi cette esthétique un peu jeu-vidéo, très passe-partout ? Si ce changement de style graphique a été décidé pour accompagner le changement de nom du festival, cela semble doublement risqué !
Aussi, en voyant le dernier plan de KANGOOTOMIK version trailer, avec un kangourou psycho à tronçonneuse jubilant devant un nuage atomique, je me disais que cette image aurait fait un excellent visuel d’affiche, percutant et indiquant bien les thématiques.
KangooAnim


Du coup on peut trouver étrange d'avoir ces deux lignes graphiques parallèles, avec d'un côté les affiches + le programme papier/web, et de l'autre le trailer vidéo, sans lien aucun. Et ce alors que les deux partagent le même cahier des charges par rapport aux thématiques. Ne serait-ce plus cohérent et percutant de relier les deux, en rassemblant les énergies ? Simples suggestions évidemment, de quelqu'un qui ne veut que du bien à ce festival.

Reste pour finir à remercier Cyril, Anne-Laure, Ben, Laurent et les autres de Zonebis pour leur accueil, et à saluer au passage Sylvain et Guillaume de l’indispensable site 1kult, ainsi que les amis de l’Etrange de Strasbourg, les retrouvailles avec tous ces aficionados contribuant au plaisir éprouvé cette semaine.

Et enfin, voici un montage de gueules à l'after de clôture, avec grosso modo de gauche à droite et de haut en bas : Christophe Lemaire, Laurent Lopéré, Anne-Laure de Boissieu, Laurent, Frédéric Thibaut, Jean-Marie (de Strasbourg), Anne-Laure, Guillaume Perrin, Jean-Christian Tassy et un jeune homme roux dont j'ai oublié le prénom, Sylvain Perret, un fan de 1kult dont j'ignore le nom, Guillaume, Frédéric T.
After

Peut-être à l’année prochaine... Même si à ces dates en 2012 je risque d’être très accaparé par l’élection présidentielle !